Un stéréotype très présent par rapport aux troubles du spectre de l’autisme (TSA) est que les personnes avec un TSA n’ont pas d’empathie. L’empathie est un concept plus complexe qu’il n’y paraît et ne se limite pas à ressentir la même émotion que l’autre personne.

La reconnaissance émotionnelle, à la base de l’empathie, dépend aussi des similitudes entre les personnes. Les comportements et les réactions des personnes avec un TSA face à certaines situations peuvent cependant alimenter ce stéréotype. Petit point sur ce qu’est l’empathie !

L’empathie, une capacité émotionnelle et cognitive

L’empathie désigne la capacité à comprendre et représenter les expériences affectives des autres. À la différence de la contagion émotionnelle, l’empathie ne se limite pas à ressentir la même émotion en même temps que l’autre, mais d’adapter sa propre réponse émotionnelle.

L’empathie permet d’inférer l’état émotionnel dans lequel se trouve la personne et d’adopter son point vue. Il recouvre un ensemble de processus indépendants et interactifs. Ces processus émotionnels et cognitifs sont présents à des degrés différents chez tous les individus.

L’empathie émotionnelle correspond aux réponses affectives, aux émotions ressenties par une personne face à l’émotion d’une autre. Elle nécessite à la fois des capacités de reconnaissance émotionnelle mais également d’adaptation et d’auto-régulation émotionnelle. Nous identifions les signes émotionnels exprimés, y reconnaissons l’émotion associée et les réponses corporelles habituelles. Cela demande cependant d’être capable de faire la distinction entre soi et autrui pour ne pas se laisser submerger par l’émotion de l’autre.

L’empathie cognitive désigne la capacité à adopter le point de vue de l’autre, à comprendre l’origine de l’émotion exprimée et à adapter son comportement pour y répondre. Les mécanismes de théorie de l’esprit et de cohérence centrale sous-tendent cette empathie cognitive. La théorie de l’esprit est la capacité de comprendre les intentions d’autrui, d’inférer ce que l’autre pense ou ressent au travers de ces comportements, verbaux ou non verbaux. Le contexte entre également en jeu ; il est compris et apporte des informations essentielles pour juger de la situation. La cohérence centrale nous permet justement de mettre en lien ces différents détails pour en tirer une compréhension complète de la situation.

L’empathie et la reconnaissance émotionnelle au sein du groupe social

L’empathie permet de développer également nos compétences sociales. La cognition sociale est une compétence complexe, s’appuyant à la fois sur des processus d’empathie émotionnelle et d’empathie cognitive.

Elle nous permet d’identifier et de reconnaître les autres, pour faciliter les mécanismes de collaboration et de coopération entre pairs. Ceux-ci nous permettent de développer nos autres compétences, par l’identification et l’imitation de ceux qui nous ressemblent. Nous maintenons également nos interactions sociales et nos relations aux autres, grâce à ces différentes compétences.

La reconnaissance émotionnelle est facilitée lorsque la personne en face de nous appartient à notre groupe social, que nous partageons des traits communs. Le contrôle des émotions faciales s’apprend dès l’enfance selon des normes sociales et des particularités spécifiques à nos interactions. La plupart des recherches effectuées sur la reconnaissance émotionnelle et la théorie de l’esprit demandent à des personnes avec TSA de reconnaître l’émotion exprimée par des personnes neurotypiques. Récemment, l’inverse a été demandé : les personnes neurotypiques ont eu beaucoup plus de difficultés à reconnaître l’émotion exprimée par des personnes avec TSA.

Des comportements mal compris

Les personnes avec un TSA ont souvent une empathie émotionnelle très développée et ressentent d’autant plus les émotions des autres. Les difficultés cognitives peuvent cependant rendre difficile la compréhension qu’un de leurs comportements est à l’origine de cette émotion.

Les spécificités de communication impactent également la façon dont ces personnes sont perçues. Quand une personne avec un TSA constate l’apparition d’une émotion, elle peut simplement dire ce qu’elle observe sans comprendre que cela peut mettre l’autre mal à l’aise. Elle peut aussi blesser son interlocuteur en faisant une remarque “trop” directe, sans se rendre compte qu’elle ne respecte pas certaines normes sociales. L’origine de l’émotion chez l’autre n’étant pas toujours bien comprise, la personne avec TSA peut augmenter les tensions en essayant pourtant d’arranger la situation. Ces comportements, qui ne semblent pas adaptés, viennent donc alimenter le stéréotype de manque d’empathie.

👉  Comprendre les différents mécanismes de l’empathie, mais surtout, découvrir et comprendre les signes des expressions émotionnelles chez les personnes TSA permettra de mieux interagir avec elles. C’est lorsque chacun apprend à reconnaître les caractéristiques de l’autre, qu’on parvient à une meilleure compréhension.

Autrice : Laurie Pacini, psychologue clinicienne, doctorante, conférencière, ingénieure R&D chez Juggle

Crédit : Cagkan – Adobe Stock

Ressources bibliographiques

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